Manque de main-d’œuvre, traçabilité, salubrité ou économie d’énergie. L’évolution rapide des besoins et de la demande dans l’offre alimentaire oblige producteurs et transformateurs à jouer d’ingéniosité. Si les grandes usines embrassent déjà l’automatisation dans leurs chaines de production pour se placer à l’avant-garde, petites et moyennes entreprises pourraient bien se laisser séduire par les nouvelles tendances et innovations.
C’est du moins ce que croit Patrice Charlebois, expert en robotique et Directeur canadien segment de marché — alimentaire et emballage chez Festo, une multinationale allemande spécialisée dans les systèmes d’automatisation pour les usines. « Ce serait à leur avantage pour plein de raisons, dit-il. À commencer par le problème du manque de main-d’œuvre que la pandémie n’a fait qu’exacerber. »
L’automatisation peut en effet aider à diminuer ou enrayer des soucis de main-d’œuvre de diverses manières. « Les producteurs et transformateurs doivent se tourner vers l’étranger pour combler ce besoin », relate M. Charlebois. « On a vu les limites de cette façon de faire cette année. Choisir l’automatisation pour une opération saisonnière, comme les récoltes qui durent quelques mois dans l’année, ça peut paraître onéreux, mais la force de l’automatisation, c’est justement de trouver des solutions flexibles qui sont moins coûteuses. »
En ce moment dans l’industrie alimentaire, on a un mal récurrent à combler les emplois qui « ne sont pas à valeurs ajoutées », comme les décrit Patrice Charlebois. « On peut penser à une usine où la volaille est éviscérée, la mise en boite de pot à la main où les tâches manuelles sont répétitives, souvent désagréables et très exigeantes physiquement, dit-il. Mais on peut aussi penser au comptoir de restauration rapide où il faut «flipper» des burgers. » Dans les deux cas, l’automatisation se substitue aux emplois qui sont souvent source de blessures, de contaminations croisées ou d’insalubrité. « Ces emplois sont alors remplacés par d’autres qui exigent peut-être un niveau d’éducation plus élevé, mais qui en revanche viennent avec un meilleur salaire. Et c’est là un autre défi pour les entreprises d’intégrer des programmes de formation afin que leurs employés puissent combler ces nouveaux emplois à valeurs ajoutées, de cette façon aucun emploi n’est perdu » , ajoute M. Charlebois.
D’ailleurs, une des grandes tendances qui se dessine en ce moment est ce qu’on appelle « l’industrie 4.0 ». « Les technologies de compilation de données sont disponibles depuis plusieurs années, mais sont traitées localement », indique-t-il. Mettre les données en commun permet de dégager des tendances. Par exemple, cibler les périodes d’absentéisme récurrentes ou connaitre les tendances des consommateurs, et planifier le calendrier en fonction de ça. Dans une usine, ou normalement on réagit à la demande souvent trop tard permet d’avoir une planification beaucoup plus précise, non seulement sur le calendrier de production, mais aussi sur la chaine d’approvisionnement. Ces métadonnées permettent de comprendre les cycles de consommation, d’absentéisme, taux de rendement global (OEE).
D’autres tendances propres à l’alimentation, qui viendront aussi influencer l’industrie dans les prochains mois, pourront trouver une avenue de choix avec l’automatisation. En particulier tout ce qui touche à la volonté d’économiser l’énergie. « C’est déjà bien présent en Europe, car le coût du kWh est plus élevé qu’ici », avance Patrice Charlebois. «Maintenant, les cibles de réduction de GES poussent les usines de transformation alimentaire à maximiser l’utilisation de l’énergie.»
Tout ce qui se rapporte à la traçabilité des chaines de production figure aussi sur le plan des tendances qui influenceront l’automatisation dans les prochaines années. «Du champ à l’usine, le consommateur veut connaitre la provenance de ses aliments » soulève Patrice Charlebois. Non seulement ce consommateur a-t-il sa bonne santé à cœur, mais la pandémie mondiale de covid-19 lui a inculqué la valeur de manger local. Cette traçabilité est aussi importante sur le plan de la sécurité. Le simple souvenir de la crise de la vache folle des années 90 suffit pour réaliser l’importance de pouvoir connaitre le parcours des aliments et des ingrédients dans la chaine d’approvisionnement.
Cependant, même si le monde semble bouger en accéléré avec des innovations qui naissent des tendances, un défi s’annoncent pour les prochains mois, voire années. «Il faut éduquer les petits et moyens propriétaires uniques pour qu’ils n’aient pas peur de l’automatisation. La personne qui connait un certain succès avec la sauce à spaghetti qu’elle vend dans le commerce peut se faire surprendre par la popularité de son produit, raconte M. Charlebois. Or, il y a une limite à ce qu’une personne peut produire dans sa petite cuisine industrielle. L’automatisation est souvent la prochaine étape dans l’expansion de son entreprise. Même si cette personne a peur, elle doit savoir qu’il y a une belle offre entreprise très compétente locale qui peut l’accompagner et que ça ne rendra pas moins authentique son produit.»
Il faut donc comprendre que peu importe la taille de l’entreprise, dans le monde de l’alimentaire, l’automatisation peut s’avérer avantageuse. « Le souci présentement, c’est qu’il y a une méconnaissance de ces avantages, au sein des plus petites et moyennes entreprises, soulève M. Charlebois. Même chez les institutions financières, on ne mesure pas tout à fait bien les risques lorsqu’une PME les approche pour le financement de ces systèmes.»
*Festo est une entreprise établie depuis plus de 40 ans au Canada, et née en 1925 en Europe. Son siège social est à Esslingen am Neckar, en Allemagne. Elle compte 18 700 employés dans le monde, dont 370 au Québec. Chaque année, l’entreprise consacre 8 % de son budget à la recherche et au développement, spécialement inspiré de la nature. Pour en apprendre davantage festo.ca.