Il va sans dire, la cote de popularité des emballages écoresponsables a connu une montée fulgurante dans la dernière décennie. Et pour cause ! Nous vivons dans une ère où l’utilisation des emballages à usage unique est contestée et, jusqu’à un certain point, l’utilisation d’emballages en général. Si tous s’entendent pour dire que l’environnement est une préoccupation importante, autant pour les entreprises d’alimentation elles-mêmes que pour leurs clients, la réalité des emballages écoresponsables n’est pas toujours aussi simple. Puisque nombreux sont ceux qui désirent converger vers des options plus écoresponsables, nous avons sondé le terrain pour départir la théorie de la pratique.
Prendre le virage écoresponsable, une question de valeurs
Mme Isabelle Parenteau est copropriétaire de La Rôtisserie Excellence, un restaurant familial situé à Saint-Hyacinthe. La pandémie a évidemment fait bondir le nombre de commandes, toutes livrées dans des contenants écoresponsables, certaines à bord de véhicules électriques. Selon Mme Parenteau, les Maskoutains sont fiers de se faire servir dans des contenants écologiques et ont même hâte qu’elle arrive à se débarrasser de la dernière styromousse de ses emballages, problème auquel elle cherche activement une solution. Pour La Rôtisserie Excellence, offrir des contenants écoresponsables allait de soi afin d’aller plus loin dans son virage. Il faut dire qu’elle est la seule dans la région à mettre à la disposition de ses clients des bornes de recharge pour voitures électriques et une distributrice d’eau dans la salle manger, éliminant l’utilisation de bouteilles.
Relever des défis pour le bien-être de la planète
M. Sylvain Lessard est copropriétaire de l’entreprise Les Petits Chefs, offrant des services alimentaires aux écoles, aux garderies et aux citoyens sur la rive sud de Montréal. Il s’est muni de nouveaux équipements permettant de récupérer les retailles de pellicule de plastique pour ses plats préparés, mais cherche sans succès une entreprise qui pourra les recycler. C’est qu’encore aujourd’hui, les différents types de plastiques ne sont pas tous traités de la même façon ni par les mêmes ressources. Et le producteur de la pellicule ne reprend pas les retailles. Selon lui, pour que les choses changent, il faudra que les influenceurs et les décideurs du milieu s’en mêlent afin que le Québec devienne autosuffisant dans la gestion de ses déchets. Mais M. Lessard demeure convaincu que l’écoresponsabilité en vaut la peine : il continue d’aller aussi loin qu’il le peut dans ses démarches pour que les emballages soient plus verts.
Des habitudes qui changent lentement, mais sûrement
Si les intentions sont bonnes, changer les mentalités peut s’avérer un défi. Les Petits chefs sont prêts à offrir des options écoresponsables aux écoles, mais sur le terrain, le souhait est de simplifier la vie des éducatrices qui doivent gérer des déchets. Même si on aimerait bannir les pailles et les ustensiles en plastique, les écoles ne sont pas équipées pour gérer des enfants qui boiront sans paille ou devront nettoyer leurs ustensiles. Être en mesure de tout jeter (ou composter) demeure la seule option viable pour le moment.
Un travail d’éducation est également à prévoir pour maximiser les retombées positives des emballages écoresponsables sur l’environnement. Rincer les contenants et en disposer au bon endroit demeure un travail supplémentaire pour bien des gens.
Déconstruire les préjugés, un mandat de taille
Lorsqu’on pense aux contenants compostables, on peut être tenté d’affirmer qu’il s’agit de l’option la plus écologique qui soit. Transformer un emballage en engrais pour les plantes est certes merveilleux. Mais en s’attardant au portrait global, on constate que ce concept s’inscrit dans un modèle d’économie linéaire. Mettre un article recyclable au compost ou dans votre collecte de matières organiques est bien mieux que de le jeter aux poubelles, mais cela met fin à la vie utile d’un produit.
Les contenants recyclables s’inscrivent, quant à eux, dans un modèle d’économie circulaire. En recyclant un produit, on lui donne une autre vie et cela permet d’économiser les ressources naturelles et l’énergie de la fabrication de nouveaux produits, tout en réduisant l’empreinte environnementale. Selon Recyc-Québec, à l’échelle mondiale seulement 8,6 % des ressources extraites sont remises en circulation dans l’économie une fois utilisées et plusieurs ressources essentielles se trouvent déjà à un niveau critique sur le plan de leur disponibilité.
Même les matériaux mal-aimés comme le polystyrène, communément appelé « styromousse », ne sont pas à écarter de facto. L’entreprise québécoise Polystyvert a développé une technologie qui permet de recycler le polystyrène, faisant de ce dernier un produit peu coûteux ayant des répercussions minimes sur l’environnement. Il est donc primordial de remettre en question ce qu’on croit savoir sur les croyances populaires en matière d’écoresponsabilité.
Protéger les aliments : une mission importante
Réduire la quantité d’emballages utilisés dans l’alimentation est plus que noble. Rappelons-nous toutefois que, historiquement, les emballages avaient un but bien précis : la protection. En effet, les emballages contribuent à prévenir le gaspillage alimentaire en conservant la fraîcheur des aliments. Et en contexte de pandémie, protéger les aliments prend un tout autre sens.
La demande pour des contenants jetables est en hausse afin de permettre aux restaurateurs de servir les repas aux personnes en confinement, par exemple, les résidents des CHSLD. Emballages Carrousel a même reçu des commandes pour des pailles en plastique emballées individuellement.
Des entreprises comme Tim Hortons n’acceptent plus les tasses réutilisables afin d’éviter le transfert de gouttelettes aux travailleurs essentiels de leurs succursales. Les épiceries refusent les sacs réutilisables au profit des sacs de plastique. Avec la peur de la contamination, l’idée d’emballages lavés à la maison plutôt que des plastiques et cartons sortis de l’usine semble soudainement moins rassurante. Sur la liste des conséquences de la crise sanitaire actuelle, on pourra probablement ajouter un recul de la lutte contre les emballages inutiles.
Les acteurs du zéro déchet ne baissent pas les bras pour autant. Aurore Courtieux-Boinot est consultante en gestion de matières résiduelles pour le réseau La Tasse. Elle a observé que les commerces étaient frileux à l’idée de laisser entrer les contenants réutilisables dans leur établissement, bien qu’aucune directive à ce sujet n’ait été mise en place par les autorités sanitaires. Elle note d’ailleurs que le modèle de la consigne, comme La Tasse, offre une solution de rechange à la fois écologique et sanitaire aux objets personnels apportés de la maison. Elle travaille actuellement à réunir les parties prenantes, comme les restaurateurs et les représentants du mouvement zéro déchet, autour d’une table de concertation de bonnes pratiques qui perdureront après la crise.
Au-delà de la crise, une vision d’avenir
Dans le futur, le nerf de la guerre ne sera pas seulement d’utiliser des contenants écoresponsables, mais également de réorienter la lutte collective contre le suremballage au profit d’un modèle d’économie circulaire locale. Que choisiriez-vous entre un contenant réutilisable fabriqué outremer et un plastique recyclable produit localement ? L’empreinte environnementale de chacun des objets pourrait vous surprendre. Un écosystème basé sur des principes d’économie circulaire permet de réduire la quantité de ressources requises pour la production en plus de retarder le moment où les objets se rendent en fin de vie. Un modèle gagnant sur toute la ligne !