Des avocats du gouvernement affirment que la filiale bancaire barbadienne des Compagnies Loblaw « jouait avec son propre argent » plutôt que de tenir des activités avec des clients externes, et qu’elle était ainsi obligée de payer des impôts au Canada.
Dans sa plaidoirie devant la Cour canadienne de l’impôt, l’avocate du ministère de la Justice, Elizabeth Chasson, a fait valoir mercredi que Glenhuron Bank, établie à la Barbade, ne respectait pas les exigences de la loi canadienne lui permettant d’être considérée comme une banque étrangère et de profiter d’une exemption d’impôt.
Il n’y a « absolument rien » reliant Glenhuron à la Barbade, a-t-elle dit au juge Campbell Miller, soutenant que la filiale avait été créée pour éviter de payer des impôts ici. « Elle n’a pas de clients à la Barbade, elle n’essaie pas de percer dans le secteur des services financiers à la Barbade, car elle ne réalise des bénéfices que pour elle-même dans un système très sophistiqué et très compliqué. »
Le procès opposant Loblaw et l’Agence du revenu du Canada (ARC) porte sur des vérifications du gouvernement fédéral pour plusieurs années d’imposition remontant à 2001. Le litige a pris forme en 2015, après que Loblaw Financial Holdings eut porté une décision en appel. Le ministre des Finances a conclu que le revenu gagné par Glenhuron provenait d’une « entreprise de placement » et qu’il était ainsi soumis à l’impôt sur le revenu, selon les documents judiciaires.
Les nouvelles évaluations, qui ont été reçues entre 2015 et 2018, portent sur les années d’imposition 2000 à 2013 et totalisent 437 millions en impôts, intérêts et pénalités, selon le dernier rapport financier trimestriel de Loblaw.
Vingt ans d’activités
Loblaw a été constituée en société commerciale internationale à la Barbade en septembre 1992 et ses activités consistaient à investir dans des titres à court terme et à procéder à des swaps sur devises, selon des documents judiciaires.
Loblaw a changé de nom et est devenue la Glenhuron Bank en novembre 1993 et, en décembre de la même année, elle est devenue titulaire d’une licence en vertu de la Loi sur les banques extraterritoriales de la Barbade.
Glenhuron a été liquidée en 2013 lorsque Loblaw a décidé d’utiliser ce capital au Canada pour acheter la chaîne de pharmacies Shoppers Drug Mart (l’enseigne Pharmaprix au Québec).
Échapper à la loi
Les avocats du ministère de la Justice ont soutenu pendant le procès, qui a débuté en avril, que Loblaw Financial Holdings avait pris une série de mesures pour que Glenhuron ressemble à une banque étrangère afin de contourner les règles fiscales et d’éviter de payer de l’impôt.
Loblaw a soutenu que Glenhuron était admissible à l’exception de la « banque étrangère réglementée ». La majorité des activités de Glenhuron impliquaient des entités sans lien de dépendance, comme dans le cas d’accords de crédit réciproque avec de grandes banques, et sa licence bancaire auprès des autorités barbadiennes constituait une preuve supplémentaire de son statut de banque, a pour sa part indiqué l’avocat de Loblaw, Al Meghji, à la Cour.
Me Chasson a soutenu que même si Glenhuron détenait une licence bancaire auprès des autorités de la Barbade, elle n’acceptait pas de dépôts et ne fournissait pas de services financiers à des clients extérieurs, mais utilisait plutôt ses propres fonds dans des opérations telles que l’achat de titres à court terme.
« La principale différence est que cela vient des clients, du public », a déclaré Me Chasson. « Mais dans le cas présent, tout est dans la famille Loblaw/Weston. »
En concluant des contrats de swaps et en achetant des titres à court terme, Glenhuron agissait en tant que client et ne faisait pas affaire avec des parties sans lien de dépendance pour générer des profits, a soutenu Me Chasson.
« Glenhuron aurait pu tenir ses activités n’importe où », a-t-elle déclaré au tribunal. « Cela n’a rien à voir avec la Barbade en particulier, la seule chose à propos de la Barbade, c’est que c’est une juridiction à faible taux d’imposition. C’est tout. »