Alors que le monde est en plein confinement pour endiguer la pandémie de Covid-19, les consommateurs doivent changer leurs habitudes. Ils sont désormais à la recherche d’empathie et de changements de la part des marques et des entreprises. | Par : Florence Hussenot, présidente d’Adwise pour e-marketing.fr
En plein renforcement de la pandémie de coronavirus, de nouveaux questionnements assaillent les consommateurs. Le désir de santé se fait de plus en fort. Avec lui la transparence, l’éthique et la solidarité. Cette nouvelle situation ne sera pas sans effet sur la consommation, ni sur la relation aux marques. Voici un petit décryptage.
Un consommateur en quête d’essentiel
Les personnes interrogées témoignent toutes du désir de « revenir à l’essentiel ». L’essentiel est ce qui reste ouvert durant la pandémie. Le reste est le superflu. Mais derrière cette vision un peu rapide liée à la particularité de la situation de fermeture des magasins, pointe le désir de réfléchir à sa consommation, « de faire le tri entre ce que nous avons en trop et ce qui nous manque ».
Il s’agit de revenir à une consommation qui ait du sens. « Ça révèle notre surconsommation » ou encore « clairement se recentrer sur l’essentiel, l’important et le nécessaire. Le futile passe après et j’espère garder cela ». À l’appui, les personnes interrogées nous parlent d’abord de dé consommation. « Il faut vraiment que je freine ma consommation en tout. » On parle d’une réallocation de la consommation vers des biens plus immatériels : passer du temps avec sa famille, profiter de la vie, faire du sport, s’occuper de soi.
En second lieu, leur réflexe est de revenir à une consommation plus réfléchie. Prévoir, anticiper, réfléchir, ça leur apparaît essentiel. « Je vais sûrement freiner ma consommation et acheter moins sur un coup de tête ».
Les nouvelles conditions de travail
Elle entraîne de nombreux questionnements sur les conditions de travail. Derrière le produit, les personnes interrogées reprennent conscience qu’il y a des vies. Des hommes et des femmes auparavant noyés dans un schéma logistique prédominant, « est-ce que je souhaite acheter ce t-shirt qui a été fabriqué dans des conditions humaines et environnementales déplorables, m’est acheminé depuis l’autre bout du monde puis m’est livré malgré le risque sanitaire en cours ? »
La dimension sociale de la production fait irruption dans la prise de décisions au même titre que la dimension écologique. La crise est un accélérateur de RSE. Et cette dernière penche au profit d’une relocalisation de la production. « Il faut trouver du sens… Je vais faire plus attention à la provenance de ce que j’achète. Essayer de privilégier les produits locaux. Afin de soutenir l’économie d’ici et ne pas dépendre autant des pays lointains. » Et à ce titre, certaines personnes interrogées ont tendance à rechercher des marques de substitution.
« Je compte clairement préférer les petites marques et les entreprises à aider dans ces moments difficiles. » Enfin, la thématique de la santé et du bien-être reprend du poids. « Je vais aller vers des marques plus responsables. Des produits qui contiennent moins d’ingrédients et d’additifs. »
Un consommateur actif en attente de l’implication sociale des marques
Les personnes interrogées attendent une réaction des marques. Une étude récente montre que 55 % des consommateurs considèrent que les marques ont plus de pouvoir que les gouvernements pour créer un futur meilleur. Ils nous l’écrivent. « Les marques doivent prendre des engagements, être solidaires et protéger leurs employés. » Les consommateurs veulent se servir de leur pouvoir d’achat. « Certaines, en revanche, nous imposent le silence radio. Je ne trouve pas ça cool de leur part. Les marques qui n’ont pas eu, ne serait-ce qu’un mot concernant la situation que l’on vit, n’auront certainement plus mon argent. » « Je reste fidèle à une marque qui m’accompagne dans les bons comme dans les mauvais moments. »
La transparence au sujet du COVID-19, c’est payant
Premièrement, les marques qui n’ont pas fait preuve d’éthique vis-à-vis de leurs salariés, en continuant de faire tourner leur commerce électronique, leur livraison gratuite sont sanctionnées dans l’esprit des consommateurs. « J’ai assez peu apprécié de recevoir des courriels de marques disant que leur commerce électronique restait ouvert. À quel prix pour leurs employés font-elles passer leur chiffre d’affaires avant l’aspect humain ? » « On reçoit plein de courriels de magasins qui disent « Chouchoutez-vous », « Livraison gratuite ». Est-ce le moment de faire prendre un risque au livreur ? »
Deuxièmement, celles qui continuent comme si de rien n’était leur démarche commerciale, car l’attente aujourd’hui est à l’empathie. « J’attends des marques qu’elles vivent ce qu’on vit et qu’on ne soit pas que de simples billets de banque à leurs yeux. J’attends des marques qu’elles communiquent avec nous au sujet de ce qui se passe. Cela paraît presque choquant de voir des marques qui déroulent leur plan de communication sur Instagram comme si de rien n’était, sans parler de la Covid-19. » Et la sincérité des messages est la clé. « J’ai reçu un courriel d’un commerçant électronique qui m’a interpellée, oui. L’objet du courriel était : comment occuper les enfants et laisser respirer les parents ? À la base, je pensais que c’était des idées d’activités, mais pas du tout, il y avait une panoplie d’articles d’extérieur à vendre : trampoline, tentes, cabane. Je n’ai pas apprécié ça. »
Un consommateur en attente d’empathie et de bénéfices collectifs
Dans ce contexte, les marques doivent mieux adapter leurs messages, et surtout réfléchir à l’avenir. La crise d’aujourd’hui accroît les attentes d’engagement des marques, de cohérence et de conscience, « demain, ce qui va m’énerver, ce sont les positionnements qui ne seront pas suffisamment pensés et incarnés, c’est-à-dire le green washing ». Pour les consommateurs, c’est le moment de faire un peu d’introspection et de dérouler un plan d’action pour avoir une meilleure influence sur les plans environnemental et éthique.
Les valeurs qui vont compter demain impliquent un bénéfice collectif. L’écologie (les matières bios, la protection de l’environnement, les produits écoresponsables, ceux qui sont directement associés à la thématique de la santé, mais aussi au respect de l’environnement), la générosité, la solidarité. « Mais ça m’intéresse d’en savoir plus sur des initiatives qui sont prises pour aider les plus démunis, par exemple, pendant cette période. » La conscience. « Ça suffit les marques qui surproduisent au détriment des travailleurs et qui, en plus, proposent des produits pour un certain genre de personne, en excluant tous ceux qui sortent du moule ! Je veux consommer des marques qui font attention au monde dans lequel on vit. » La transparence. « Je pense que je vais être plus vigilante en ce qui concerne les engagements des marques, je vais attendre plus de transparence de leur part sur les conditions de fabrication, les matières utilisées, etc. J’attends des marques qu’elles questionnent leurs manières de travailler et qu’elles prennent de vrais engagements. Améliorer son impact humain, sociétal, environnemental. » L’universalité . « Nous sommes, selon moi, dans une ère totale de mondialisation et de consommation. Cela prouve bien que nous devons avancer tous ensemble, que nous sommes tous des êtres humains et que nous devons arrêter d’être individualistes. » La responsabilité envers l’économie locale. Dans ce contexte, les personnes interrogées ont relevé quelques belles initiatives de certaines marques. Dans la grande distribution avec des créneaux réservés aux personnes âgées, des livraisons de paniers-repas aux personnes âgées ou dépendantes. Ou des marques de la restauration qui font des dons de nourriture.
Un message positif de plusieurs marques, dont H&M, qui ont fait don d’argent pour la recherche contre la Covid-19, « et qui ont rendu la livraison gratuite, l’échange et remboursement gratuit pendant 100 jours au lieu de 30 jours, je trouve cela positif, car elles s’adaptent à la situation ». « Je suis également très heureuse de voir des initiatives d’un groupe tel que LVMH qui s’est tout de suite mis à produire du gel hydroalcoolique et maintenant des masques. »
Et ont les consommateurs ont des suggestions. « J’aimerais lire des communiqués de marques qui questionneraient leur rôle dans la propagation du virus, qui annonceraient des réflexions, des mesures pour être plus respectueuses. Ou alors, les marques pourraient relayer de chouettes initiatives de clients ou créer des « groupes de parole » pour rompre l’isolement et faciliter les échanges en cette période. Ça pourrait simplement prendre la forme de groupe Facebook, par exemple. »
Notre recommandation pour les marques d’aujourd’hui porte sur quatre aspects :
1 Communiquez avec vos clients, mais communiquez avec empathie dans cette période de stress, en rappelant la protection des salariés, les engagements à responsabilité sociale et environnementale, et apportez de l’aide à vos clients. Pour cela, il est nécessaire de bien les connaître et les comprendre. Quand la valeur d’usage est limitée par la situation, il faut travailler sa valeur d’image.
2 Un appétit de consommation fera sans doute irruption dès la fin du confinement. Mais il se fera envers des marques qui ont du sens. Réfléchir maintenant aux valeurs et à la personnalité de la marque en tenant compte d’attentes de bénéfices collectifs nouveaux, rassemblant solidarité, générosité, rôle dans l’économie et conscience de la vie de vos clients. Les consommateurs veulent être perçus comme des personnes qui, par leur consommation jouent un rôle, et pas seulement des clients abstraits.
3 Travaillez l’offre, ses matériaux ou ses matières premières, sa fabrication, son approvisionnement de façon à apporter des preuves sincères de vos engagements en toute transparence.
4 La thématique de la santé prend de l’ampleur, de même que la responsabilité sociale de l’entreprise. Il faut devenir une marque rassurante.