Nature ? Santé ? Peu transformé ? Si ces attributs sont aujourd’hui réputés désirables pour un aliment, ils le sont à des degrés qui varient grandement selon le profil, et surtout l’âge des consommateurs. C’est la conclusion principale de l’enquête présentée par la chercheuse de l’Université Laval Laure Saulais dans sa conférence Les consommateurs québécois, les additifs et la naturalité : connaissances, croyances et perceptions. | Par Pascale Lévesque
« Certains consommateurs ne sont pas prêts à faire des concessions ni sur le prix ni sur les propriétés des produits et donc la piste de segmenter et de créer des gammes nouvelles devrait être préférée au remplacement total de l’ensemble des produits et des gammes », suggère la professeure Saulais aux transformateurs alimentaires qui cherchent à optimiser leur offre de produits selon les désirs de leur clientèle en matière de naturalité, d’additifs ou de degrés de transformation.
L’enquête à laquelle ont répondu plus de 1 000 Québécois l’automne dernier a révélé que le quart des répondants considèrent n’avoir aucune connaissance à propos des notions d’additifs ou encore de produits ultratransformés.
Les additifs vus comme synonymes de moindre qualité
De plus, près du tiers des répondants considèrent que la présence d’additifs envoie un signal que le produit est de basse qualité.
À l’autre extrémité du spectre, il y a une association significative entre la notion de produit « biologique » et la moindre présence d’additifs.
Afin de mesurer les perceptions de naturalité, de la présence d’additifs et du lien avec la santé, l’équipe de la professeure Saulais a interrogé les participants sur leur perception de huit aliments ayant tous des indices de transformation distincts selon la classification Nova.
Des aliments foncièrement similaires, comme des haricots verts frais traditionnels, frais bio ou surgelés, d’autres différents quoique visant la même fonction, comme du bœuf haché maigre et du haché végétal, ou encore d’autres seulement différenciés par la variété – yogourt nature ou aromatisé –, ont été comparés selon la perception que les répondants en avaient.
Le verdict : « La relation entre santé et naturalité, au niveau moyen, est assez claire. Plus un produit est vu comme naturel, plus il est perçu comme sain », explique la professeure Saulais. En revanche, lorsque l’on s’éloigne du niveau moyen et que l’on étudie chaque produit individuellement, la corrélation est parfois faible. Par exemple, bien que perçu comme moins naturel que le bœuf haché, le yogourt aromatisé est perçu comme étant aussi sain.
Payer plus cher pour des additifs naturels
D’autre part, une comparaison sur l’effet de la naturalité des additifs par rapport au prix et aux propriétés d’un produit indique que les trois quarts des répondants seraient prêts à payer 15 % plus cher pour un jambon contenant un agent de conservation naturel – extrait de céleri – plutôt qu’un additif artificiel – des nitrites –, dans la mesure où le temps avant péremption reste le même.
Dans le même ordre d’idées, près de la moitié (47 %) des Québécois interrogés seraient prêts à sacrifier trois semaines sans moisissure pour déguster un pain sans additifs. Le tiers paieraient leur pain un dollar de plus – 4,79 $ plutôt que 3,79 $ – afin que sa durée sans moisissure passe d’une à quatre semaines grâce à des additifs naturels tandis que 20 % des répondants ne feraient aucun compromis sur la durée de conservation ou le prix, quitte à se procurer un aliment contenant des additifs artificiels.
La perception change selon les âges
Fait à noter, les choix effectués changent selon l’âge des répondants. Ainsi, les gens de plus de 55 ans sont plus réceptifs à l’idée de payer une prime pour des aliments dont les additifs sont de source naturelle. Ils sont également les moins susceptibles de choisir le pain contenant des additifs artificiels.
Le sondage révèle également un clivage clair quant aux compromis que sont prêts à faire les consommateurs interrogés au sujet de l’effet des additifs. À prix égal, 48 % des répondants sont prêts à accepter que leur crème sans additifs produise des particules lorsqu’elle est versée dans leur café alors que 52 % disent préférer une crème à café plus homogène, même si cela signifie qu’elle contient un additif naturel.
En analysant les données de son enquête, la professeure Saulais se risque à quelques recommandations pour les transformateurs alimentaires voulant mieux coordonner leur offre aux désirs exprimés par leur clientèle.
« La première recommandation serait de valoriser l’innovation par la réduction, voire l’élimination, des additifs artificiels, dit-elle. On observe notamment que 75 % des répondants reconnaissent que les transformateurs font des efforts pour améliorer la naturalité des produits mais, parallèlement, 70 % des répondants déplorent un manque de transparence générale de la filière à ce sujet. »
Davantage de confiance envers les scientifiques et les gouvernements
D’ailleurs, la somme d’information disponible à propos des produits alimentaires sur le marché n’est pas sans créer de confusion chez le consommateur. Il s’agit d’un autre chantier auquel toute l’industrie pourrait s’attaquer avec, si l’on écoute les conclusions de l’enquête, l’appui des instances publiques.
« L’une des solutions pour avoir une plus grande transparence serait un dispositif unifié sur le plan de la filière qui permettrait d’avoir une information synthétique et en laquelle les
consommateurs pourraient avoir confiance, dit la professeure Saulais. Selon nos données, il y a une confiance forte dans les institutions gouvernementales et dans les résultats des scientifiques par rapport au peu de confiance que portent les répondants à ce style de messages sur l’alimentation lorsqu’ils sont relayés par les transformateurs ou les médias sociaux. »
*La professeure Laure Saulais s’est exprimée lors de la conférence Les consommateurs québécois, les additifs et la naturalité : connaissances, croyances et perceptions dans le cadre de l’édition 2021 des Journées DUX.