Par Dr. Sylvain Charlebois/ Professeur Titulaire
En 2018, le secteur agroalimentaire fut d’abord marqué par le scandale du pain, puis par l’arrivée d’un premier animal transgénique vendu sur le marché et plus récemment par la signature d’un nouveau traité nord-américain qui a mis en lumière les failles de notre système de la gestion de l’offre. L’année 2019 assistera à de grands changements provoqués par la publication du nouveau Guide alimentaire canadien et la mise en marché des produits dérivés du cannabis. Pour le bien-être des consommateurs, voici ce que nous devrions jeter, transformer, conserver et ajouter en 2019 au sein des secteurs qui influent le plus nos vies de manière quotidienne.
À jeter
Mettre à la poubelle les foutus stratagèmes de fixation de prix constituerait le souhait le plus cher des Canadiens, peu importe le secteur de l’économie ou du produit. À ce chapitre, l’année 2018 commençait sur une bien mauvaise note pour le secteur agroalimentaire. Dans la foulée du scandale provoqué par l’aveu de Loblaw-Provigo qui se prêtait à une conspiration de fixation de prix du pain avec Weston Bakeries, les Canadiens ont eu droit en 2018 à une carte-cadeau de 25 $. L’entreprise demandait pardon pour avoir imposé son influence sur les prix du pain au détail pendant 14 ans, de 2001 à 2015. Depuis cette révélation d’avant les fêtes 2017-18, les poursuites se succèdent. Jusqu’à maintenant, deux recours collectifs se sont ajoutés aux multiples critiques à l’égard du géant de l’alimentation. Ses rivaux, Sobeys-IGA et Métro, ont rapidement réagi en critiquant à leur tour le message hautain de Loblaw-Provigo. Fait intéressant, le prix du pain en moyenne au pays a diminué de 1,8 % cette année depuis l’annonce de Loblaw-Provigo en décembre 2017. La France a même aussi eu droit à son scandale cette année avec le jambon. Espérons que 2019 sera rempli d’honnêteté et d’un haut niveau d’éthique de la part du secteur.
À transformer
Si vous croyez que le Guide alimentaire canadien est sans importance, détrompez-vous. Institutionnalisé depuis le début des temps, notre guide nous influence tous quotidiennement. Subtilement, mais inconsciemment le guide touche nos cordes sensibles.
Ce nouveau Guide alimentaire que l’on attend depuis des mois sera vraisemblablement dévoilé en 2019. Après la publication des principes de base en octobre 2017, Santé Canada se veut extrêmement discrète. D’ailleurs, la sortie du nouveau Guide a encaissé des reports à plusieurs reprises. Selon certaines sources, il faudrait possiblement attendre jusqu’aux prochaines élections fédérales prévues en octobre 2019 pour finalement assister à la parution de la dernière édition du Guide alimentaire. Tout porte à croire que le narratif végétarien employé par Santé Canada lors de la publication de ses principes l’an dernier dérangeait certains groupes d’intérêts, notamment le secteur bovin et laitier. Bien sûr, Santé Canada tentait de proposer une nouvelle approche, un parchemin digne de nos connaissances modernes en nutrition. En revanche, Santé Canada a vite réalisé que notre culture culinaire et nos traditions gastronomiques méritent leurs places et ne peuvent être poussées du revers de la main en un rien de temps. Transformer le Guide alimentaire canadien est définitivement souhaitable, mais certaines nuances doivent être apportées à un porte-folio alimentaire contemporain.
À regret, ce Guide n’a pas vraiment évolué depuis sa première version publiée en 1942, mais le monde, lui, a grandement changé. Avec une offre plus diversifiée que jamais, le nouveau Guide doit devenir le reflet de ce que nous sommes et de ce que nous souhaitons retrouver dans nos assiettes, tout en célébrant notre héritage alimentaire.
À conserver
Plus tôt cette année, une étude sur les déchets ciblait cinq entreprises dont leurs emballages de produits se retrouvaient souvent sur nos berges et dans nos rivières. Ces entreprises Coca-Cola, Pepsico, McDonalds, Nesle et Tim Hortons, œuvrent toutes dans le secteur agroalimentaire. Notre conscientisation collective envers l’utilisation du plastique à usage unique et de l’emballage excessif en alimentation devient impérative. Par chance, il y a présentement une quête intensive pour trouver de nouvelles façons de remplacer le plastique au supermarché et en restauration. Pour une meilleure salubrité de nos aliments, le plastique nous a offert une solution abordable pendant des années. Mais une économie circulaire durable nécessite une nouvelle approche. La recherche d’idées innovantes doit se poursuivre puisque le bien-être de notre planète en dépend.
À ajouter
L’ajout des produits dérivés à base de cannabis constituera un moment important en 2019. Santé Canada annoncera sous peu son cadre réglementaire pour les produits infusés de cannabis. Au cours des derniers mois, des entreprises comme Molson-Coors et Constellation Brands ont déjà investi dans le domaine du cannabis et anticipent la commercialisation de certains produits dès que possible. Même Coca Cola, le maître de la boisson gazeuse a suivi le pas de l’industrie brassicole. En effet, l’industrie du breuvage agit à titre de précurseur pour l’ensemble de la filière puisqu’elle peut perdre beaucoup avec la légalisation des produits comestibles à base de cannabis. Aux États-Unis, plusieurs entreprises brassicoles avaient perdu des parts de marché au moment où les produits comestibles devenaient légaux dans certains États américains. En effet, plusieurs consommateurs troquent leur boisson favorite pour un produit comestible contenant du cannabis. Mais en attendant cette deuxième phase de la légalisation, les autres transformateurs un peu moins pressés se font attendre pour témoigner de leur intérêt. La légalisation du cannabis est une chose, mais la réglementation d’un produit difficilement perceptible et discret demeure un défi de taille. Humer un muffin au cannabis ne révèle pas grand-chose. Souhaitons que la prudence et la vigilance des autorités publiques et des consommateurs soient au rendez-vous en 2019.
Joyeuses Fêtes !