À quoi ressemblera l’épicerie du futur ? – Première partie

par Emma Liem

Depuis quelques années, les valeurs des consommateurs continuent d’évoluer et vont bien au-delà du prix et de la commodité. Les épiciers ont rapidement répondu à la demande de plus en plus nuancée d’aliments sains, durables sur le plan environnemental et créés de manière éthique. Alors que les détaillants investissent dans les innovations pour le consommateur d’aujourd’hui, le marché de l’alimentation de demain reste incertain. À ce sujet, voici la première partie d’un dossier qui fait écho à une journée conférence DUX+.

À la lueur des observations et recherches de Sarah Smith, directrice de recherche du Food Futures Lab de l’Institut pour le futur, et de Mike Lee, créateur de The Future Market, nous vous proposons quelques pistes qui pourraient bien orienter les opérations des commerces au cours des prochaines décennies. Dans la lignée des choix effectués par les consommateurs, on peut prévoir qu’ils joueront un rôle plus actif envers leur alimentation. Ils auront aussi plus de possibilités pour comprendre l’impact de la nourriture sur leur corps.

Le consommateur : décideur en matière de production

« Dans 10 ans, le terme “consommateur” sera mort. C’est la déclaration choc de Sarah Smith. Les consommateurs sont plus que des consommateurs au bout de la chaîne d’approvisionnement. Ils ont une agence. Ils sont cocréateurs. Ils jouent un rôle plus actif dans ce qui est produit et comment cela est fait. »

Sarah Smith a qualifié cette tendance de « mouvement des fabricants ». Les futurs consommateurs, précise-t-elle, verront les aliments comme un reflet de l’identité et la production personnelle d’aliments sera considérée comme une expérience stimulante. Cette approche pratique découle également du désir de manger pour résister aux changements à venir plutôt que des facteurs de motivation traditionnels, tels que la préférence gustative. Les consommateurs veulent avoir la certitude que leur nourriture est meilleure pour leur nutrition personnelle, mais aussi pour la planète.

Technologie et retour à terre

Dans son rapport Des recettes pour l’avenir, l’Institut pour le futur a identifié la montée du nombre d’agriculteurs amateurs en Inde comme preuve de cette tendance. Selon le rapport, les professionnels travaillant dans des communautés hautement industrialisées se déplacent souvent en dehors de la ville le week-end pour se rendre dans des fermes biologiques. Leur motivation : la peur des pratiques agricoles industrialisées et le désir de connecter leurs enfants à la terre. L’Institut pour le futur prévoit que ce comportement deviendra de plus en plus populaire. La popularité croissante des jardins sur les toits le prouve déjà.

Un autre indicateur de cette tendance se trouve dans la montée en puissance des produits financés par la masse. Ce « crowdfunding » ou « financement participatif » reflète l’investissement du consommateur dans les articles et les missions de marque qui l’intéressent.

Une expérience interactive

Mike Lee prédit que, alors que les consommateurs recherchent une compréhension plus intime et pratique de leurs aliments, les épiceries utiliseront les nouvelles technologies « pour faire vivre une expérience dans une partie de l’épicerie où il n’y en avait pas », plus précisément la section des produits.

Visionnaire, The Future Market a mis au point un concept pour les produits de détail appelé « Produce Proin. » Un système de téléprésence bidirectionnelle relie les acheteurs en épicerie à des nutritionnistes, des chefs cuisiniers ou des agriculteurs qui pourraient répondre à leurs questions sur les produits en appuyant simplement sur un bouton. Cette technologie expérientielle, mise à l’essai dans un magasin Whole Foods de Brooklyn, a pour objectif de recréer le type d’interactions que les consommateurs vivent sur les marchés de producteurs, et ce, dans les grandes chaînes. Dans les futures épiceries, les acheteurs seront en mesure de choisir leurs propres produits dans de petites unités agricoles verticales situées dans les allées. « L’épicerie ne sera plus seulement un endroit où l’on ramasse des produits. C’est un endroit où l’on préparera et cultivera des aliments, a déclaré Lee. Nous pourrions récolter et emballer les produits directement dans l’allée. Nous pourrions voir la viande (cultivée en cellule) être brassée de la même façon que la bière – le tout à l’épicerie. »

Ce projet (conférence DUX+ et ce texte) a été réalisé grâce à une aide financière du
Programme Innov’Action agroalimentaire issu de l’Accord Canada-Québec de mise en œuvre du Partenariat canadien pour l’agriculture.

Référence :
L’innovation alimentaire, des recettes pour la prochaine décennie
Quinault Childs, Responsable de recherche
CONFÉRENCIER DUX+ ÉDITION 2019
Prévisions du Food Futures Lab de l’Institut pour le futur