« La voiture autonome sera bientôt à nos portes pour livrer de la pizza. Dominos, en collaboration avec Ford, lance un projet-pilote qui inclut des voitures sans livreur. Pour la première fois, une entreprise de restauration offre à ses clients d’interférer avec des voitures autonomes. Un projet social à multiples conséquences. »
SYLVAIN CHARLEBOIS, Doyen de la Faculté en Management, Professeur en Distribution et Politiques Agroalimentaires, Université Dalhosuie.é
La voiture autonome se garera à nos portes, littéralement. Dominos, la chaîne de restauration américaine connue pour ses pizzas, entend livrer ses commandes par voiture autonome, dès cet automne. En partenariat avec la compagnie Ford, Dominos démarrera un projet-pilote au Michigan dans les prochaines semaines afin de déterminer si le concept est viable. Dominos devient ainsi la première chaîne de restauration à tester les limites de la technologie d’autonomie de transport pour servir sa clientèle, mais elle ne sera certes pas la dernière.
Le concept est fort simple. Le client passera sa commande comme à l’habitude et pourra ensuite suivre le trajet emprunté pour la livraison par le biais d’une application ; une transparence logistique intéressante. Informé à l’avance d’une livraison par voiture autonome, le client recevra un SMS qui lui donnera un code pour ouvrir le coffre du véhicule dès son arrivée à destination. L’engin pourra accueillir quatre pizzas sur cinq côtés différents. Les coffres maintiendront les pizzas à une température parfaite, peu importe la durée du voyage. Le projet se tiendra seulement à Ann Harbor pour l’instant, non loin de Détroit au Michigan. Bien sûr, l’expérience des deux entreprises sera bien encadrée et il y aura tout de même quelqu’un à bord de la voiture, un ingénieur de Ford, afin d’évaluer le fonctionnement de la voiture.
Selon Ford, ce projet-pilote ne s’effectue pas seulement pour des raisons technologiques et de performance de voiture, car les résultats de certains autres projets-pilotes similaires utilisant des voitures et camions autonomes offrent déjà des résultats très probants et démontrent un niveau de fiabilité intéressant. D’ailleurs, plusieurs sortes de véhicules s’activent dorénavant sans conducteur ; des camions de vidanges, tracteurs sur la ferme, véhicules d’entrepôt, et plus encore. Mais dans le cas de Dominos, pour la première fois il y aura un échange entre un commerce utilisant des voitures autonomes et un consommateur.
Avec ce concept, l’entreprise tentera plutôt de mesurer l’aspect sociologique puisque l’interface entre les consommateurs et les voitures intriguent. Il sera intéressant de voir comment les clients réagiront. Le projet évaluera aussi les réactions provoquées par une voiture garée à l’entrée d’une cour ou en bordure du trottoir lorsqu’il pleut ou durant une tempête de neige. Par contre, à Ann Harbor, un fief bourré d’étudiants universitaires, l’expérience s’effectuera dans un marché conquis à l’avance. Tout de même, cet essai ouvre la porte à des possibilités multiples.
Évidemment, pendant que Dominos s’amuse avec son nouveau gadget, le côté humain de la livraison à domicile devient secondaire même si ce procédé fait partie de nos us et coutumes depuis des lunes. La plupart d’entre nous ont sûrement déjà passé une commande au téléphone ou en ligne un vendredi ou samedi soir pour faire livrer une gâterie réconfortante. Pizza, poulet, poutine, mets chinois, peu importe, les voitures de livraison se retrouvent partout et sillonnent nos quartiers quotidiennement. Les livreurs qui apportent la commande devront tenter, quant à eux, de personnaliser l’expérience. Joviaux, la plupart d’entre eux offrent un bon service. Avec un nombre accru de voitures de livraison autonomes d’ici les 10 à 20 prochaines années, plusieurs pourraient perdre leur emploi.
La voiture automne offre évidemment des avantages significatifs. Comme plusieurs livreurs ont déjà subi des vols dans leur véhicule, ce problème récurrent s’éliminera tranquillement. Quant au client, il n’aura plus à s’inquiéter d’ouvrir la porte de sa résidence à un livreur aux apparences douteuses, faisant parfois penser à un bandit en permission de fin de semaine, ni à se forcer pour donner un pourboire. Le coût total du repas s’en trouvera ainsi réduit. Mais pire encore, l’impressibilité du temps de livraison constitue souvent une source de frustration pour les clients. Avec une livraison par voiture autonome, appuyée par une application sur téléphone intelligent, il deviendra facile de gérer les attentes en temps réel et de standardiser le temps de livraison. Il ne relève donc pas du hasard si Dominos, le roi de la livraison en un temps bien déterminé, apprivoise les vertus de la voiture autonome avant les autres. Dominos livre plus d’un milliard de pizzas par année et emploie plus de 100 000 livreurs. Pour l’entreprise, une flotte de voitures autonomes pourrait coûter 16 fois moins cher que la formule actuelle ; des économies énormes.
De plus, engager de bons livreurs devient difficile pour les restaurateurs comme Dominos, compte tenu des salaires et des conditions de travail. L’âge moyen d’un livreur en restauration n’a jamais été aussi élevé, la plupart d’entre eux étant des retraités à la recherche d’un revenu d’appoint.
Bref, la livraison à domicile a toujours représenté une méthode classique permettant aux restaurateurs et traiteurs d’étendre leur marché au-delà du trafic physique de l’établissement. Il sera intéressant de voir à quel point la voiture autonome s’unira à la restauration d’ici les prochaines années. En effet, avec les voitures autonomes, il ne sera plus nécessaire de vous garder une petite gêne si vous voulez commander deux ou trois fois dans la même semaine. Contrairement à un livreur, la voiture autonome ne vous jugera jamais. Mais l’idée de ne jamais être obligé d’interagir avec un humain pour se nourrir effraie tout de même un pe
Dr. Sylvain Charlebois