Pour évaluer la nouvelle politique de souveraineté alimentaire du Québec, la meilleure chose est probablement de se demander ce qui est différent et ce qui devrait changer au cours des prochains mois.
Par Lionel Levac
Première réponse : au-delà de l’énoncé maintenant officiel des grandes orientations et des objectifs, peu de choses, à court terme, changent vraiment. On savait déjà que le gouvernement de Pauline Marois veut faire de l’agroalimentaire un secteur encore plus important de l’économie québécoise.
Bien des gens sont déçus cependant que peu d’outils, de moyens et aucun argent supplémentaire ne viennent appuyer les objectifs. Aussi, de façon évidente, l’Union des producteurs agricoles est soulagée de voir disparaître toutes les attaques que pouvaient énoncer ces dernières années les plans gouvernementaux aussi bien que les propositions de la commission Pronovost.
Quant à savoir ce qui devrait changer dans un avenir rapproché, la réponse peut facilement prendre la forme d’une liste de suggestions, bien sûr, mais aussi de questions. La réponse est simple. Pour que s’établisse véritablement un consensus vers une croissance du secteur, de sorte qu’il contribue davantage à l’économie du Québec, il faut des changements radicaux. Répondre aux marchés, d’ici comme de l’extérieur, innover et réussir à le faire de façon rentable exigent une mise à niveau sérieuse et un soutien de l’entreprise agricole. Il est essentiel de le faire sans négliger la rentabilité et l’efficacité de celle-ci. Le gouvernement précédent s’y était probablement fort mal pris, mais visait à une plus grande efficience du secteur de la production. L’intention d’aider est bonne et servira de base plus solide aux activités des entreprises.
D’autre part, la différence de traitement, on pourrait presque dire la « discrimination » que subit le secteur de la transformation par rapport aux autres domaines de l’économie industrielle du Québec, ne pourrait durer encore longtemps. À défaut de trouver les moyens et le soutien essentiels à une mise à niveau importante sur le plan des technologies, des équipements, de la recherche et de la formation, les transformateurs ne pourront tenir longtemps face à la concurrence extérieure. Et là, les objectifs économiques gouvernementaux ne pourront être bien servis.
Tous les partenaires doivent disposer d’outils adaptés à leurs fonctions respectives. Il faut donc des capitaux, de même que des voies simples et efficaces de soutien aux projets des transformateurs. N’oublions pas qu’ils sont véritablement entre l’arbre et l’écorce… entre les producteurs et les distributeurs.
Ce que gagnent les uns et les autres ne doit pas diminuer encore leur part du dollar alimentaire. Ça aussi, la politique de souveraineté alimentaire devrait y voir…. Un nouveau partage du dollar alimentaire sur les bases du « commerce équitable ».
On peut être déçu de l’absence de moyens dans l’énoncé de la politique, mais personne ne peut être « contre la tarte aux pommes ». On peut enfin saluer les grandes orientations : insistance sur l’identité des produits québécois, occupation efficace et protection du territoire constituant la ressource naturelle de base du secteur agroalimentaire, valorisation d’un potentiel agricole et industriel immense et respect de règles environnementales et de développement durable bonifiées. Alors, qu’on ouvre le coffre à outils !
(Photo à la une : par Martin Lemire)