Café : une amertume durable pour les portefeuilles

« Face à une offre restreinte et une demande mondiale en hausse, le café pourrait bien devenir un luxe pour de nombreux consommateurs. »

Les prix du café ont enregistré un recul cette semaine après avoir atteint leur plus haut niveau en près de 50 ans la semaine dernière. Cependant, cette baisse pourrait n’être qu’un répit temporaire. Depuis septembre 2023, les cours du café n’ont cessé d’augmenter, atteignant environ 3,00 $ US la livre, avec un pic récent frôlant le record historique de 3,35 $ US établi en 1977. Ces hausses sont principalement attribuées à une offre mondiale de plus en plus restreinte.

Le Brésil, principal producteur mondial, a été sévèrement touché par une sécheresse prolongée, compromettant les rendements, en particulier pour la fève arabica. Cette variété, qui représente environ 60 % de la production mondiale, est prisée pour sa saveur douce et aromatique, mais elle est aussi particulièrement vulnérable. Cultivée en altitude et nécessitant un équilibre délicat entre saisons sèches et humides, l’arabica souffre des perturbations climatiques croissantes. Les régimes de précipitations imprévisibles, exacerbés par les changements climatiques, entraînent un stress hydrique et nuisent à la qualité et à la quantité des récoltes.

En comparaison, la fève robusta, qui constitue environ 40 % de la production mondiale, est plus résistante, mais son goût amer et sa teneur en caféine plus élevée limitent son attractivité pour certains marchés. Le Vietnam, l’Indonésie et certaines régions d’Afrique dominent la production de robusta.

Cette situation est amplifiée par la montée en puissance de nouveaux consommateurs dans les pays émergents, où le thé était traditionnellement la boisson chaude dominante. En Asie, en Afrique et en Amérique latine, le café gagne rapidement en popularité, notamment auprès des jeunes générations. Ce changement culturel, combiné à une classe moyenne croissante dans ces régions, alimente une demande déjà soutenue par les marchés traditionnels comme l’Amérique du Nord et l’Europe.

L’essor du café arabica est indissociable de l’influence de Starbucks, qui a largement popularisé cette fève auprès des consommateurs. En réponse, des chaînes comme McDonald’s et Tim Hortons ont adopté des mélanges basés sur l’arabica pour répondre aux attentes des consommateurs. Ce succès commercial a renforcé la demande mondiale, mais il a également accru la pression sur une offre déjà limitée.

La hausse des prix de gros de l’arabica se reflète directement sur les prix au détail, avec une corrélation notable de 73 % entre ces deux indicateurs. Près de 63 % des variations des prix de détail s’expliquent par les fluctuations des prix de gros. Cependant, malgré cette corrélation forte, il semble que, depuis 2021, les prix au détail, du moins aux États-Unis, n’ont pas suivi la baisse du prix au gros. En revanche, pour les restaurants et les cafés, l’impact est plus difficile à prédire.

Les grandes chaînes comme McDonald’s peuvent absorber les hausses grâce à des stratégies commerciales agressives, en utilisant le café comme produit d’appel pour attirer des clients. Tim Hortons, bien qu’elle puisse ajuster ses prix de café, pourrait répartir les augmentations sur d’autres items de son menu. Les petits cafés indépendants, eux, auront peu de marge de manœuvre et devront probablement répercuter directement les hausses sur les consommateurs.

Selon Euromonitor International, le Canada est le 10e consommateur mondial de café par habitant, avec une consommation moyenne de 6,5 kilogrammes par an. Fait intéressant, le Canada se classe au premier rang mondial pour le café consommé hors-ménage, un héritage de Tim Hortons qui a marqué les habitudes des Canadiens.

À court terme, les consommateurs pourraient ressentir une pression supplémentaire sur leur portefeuille, particulièrement ceux qui achètent du café pour la maison. Les amateurs de café sont donc encouragés à se préparer à une hausse des prix en 2025, à moins que des conditions climatiques favorables et une reprise de la production mondiale ne viennent inverser la tendance. Cependant, à ce stade, les signaux laissent entrevoir une situation qui restera tendue pour les producteurs comme pour les consommateurs.

Dr. Sylvain Charlebois/Professor/Professeur Titulaire
Senior Director/Directeur Principal
AGRI-FOOD ANALYTICS LAB/LABORATOIRE DE SCIENCES ANALYTIQUES EN AGROALIMENTAIRE

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