« Pour les consommateurs, cette transaction ne changera franchement pas grand-chose. Par contre, cette acquisition est symptomatique d’un défi de taille. Burger King et même Tim Hortons s’attellent pour affronter de grands changements socio-économiques qui bouleverseront le secteur de la restauration rapide durant les prochaines années. »
L’achat de Tim Hortons par Burger King en fait jaser plus d’un. Depuis que la nouvelle est connue, plusieurs se demandent qui y gagnera le plus. Pour les consommateurs, cette transaction ne changera franchement pas grand-chose. En principe, les deux marques seront gérées indépendamment, comme c’est le cas actuellement. Par contre, cette acquisition est symptomatique d’un défi de taille. Burger King et même Tim Hortons s’attellent pour affronter de grands changements socio-économiques qui bouleverseront le secteur de la restauration rapide durant les prochaines années.
D’abord, plus d’une centaine de villes des États-Unis ont été témoins de protestations d’employés qui travaillent dans ce domaine. Ces manifestants fustigent les grands de l’industrie afin d’être rémunérés davantage. Au lieu de recevoir un salaire horaire qui dépasse à peine 8 $ US, ils exigent d’être payés 15 $ US l’heure, pratiquement le double. Par le passé, ces emplois offraient une porte d’entrée aux jeunes qui désiraient faire un peu d’argent pour payer leurs études ou autres. Maintenant, plusieurs retraités en manque d’argent réintègrent le marché du travail en ayant des exigences qui diffèrent amplement de ceux des plus jeunes. Ce secteur n’était pas du tout prêt pour ce changement.
En effet, en payant ses employés à 15 $ US l’heure, le prix du Whopper ou même du Big Mac pourrait augmenter de 38 %, selon une étude de Heritage Foundation. Dans le secteur de la restauration rapide, si le prix augmente d’un pour cent, la demande baissera d’un pour cent. Tim Hortons n’y fait pas exception. Les exigences compensatoires des employés peuvent donc mettre en péril un modèle d’affaires qui mise sur l’accessibilité financière de ses produits. Burger King ainsi que Tim Hortons sont tous les deux dans ce collimateur socio-économique qui changera vraisemblablement les règles du jeu.
L’autre phénomène notoire pour Burger King réside dans les tendances de consommation alimentaire qui vivent une véritable métamorphose ces dernières années. Les ventes des restaurants Burger King ouverts depuis au moins un an ont chuté de 0,9 % en moyenne l’année dernière. Les restaurants McDonald ont subi le même sort, avec une diminution de 0,2 %. Plusieurs estiment que les ventes de hamburgers sont sur le point d’atteindre un plateau qui sera suivi par un déclin sans fin au cours des prochaines années. Plus que jamais, les consommateurs s’intéressent à autre chose, peu importe les raisons. Pour Burger King, connue pour son Whopper, c’est un indicateur qui dérange. Cette nouvelle acquisition leur permettra de jouir d’une plus grande couverture de risque. Pour ces raisons, il est fort possible de voir d’autres transactions majeures durant les prochaines années.
Certains croient que Burger King quitte les États-Unis pour profiter d’un climat fiscal moins lourd au Canada. Avec cette transaction, Burger King annonçait que l’entreprise déménagerait son siège social à Oakville, tout près de Toronto où se situe la maison mère de Tim Hortons. Depuis, le gouvernement canadien se félicite d’attirer des entreprises au Canada. Mais dans les faits, le maître du Whopper risque tout simplement d’ouvrir une simple boîte postale au Canada, et continuer de diriger ses opérations à partir de Miami. Surtout, dans un contexte nord-américain, offrir un niveau de taxation plus avantageux aux entreprises est simplement un artifice puisque les Américains pourraient bien éventuellement diminuer les impôts. Il est donc probable que Burger King conserve une grande partie de ses effectifs en Floride. Donc, au niveau des impôts et des revenus pour nos instances gouvernementales, il est difficile de comprendre en quoi cette transaction profitera au Canada à long terme.
Chose certaine, les grands gagnants de cette transaction sont les financiers. Le milliardaire américain Warren Buffett, qui a repris le goût de la bouffe ces dernières années avec l’achat de Heinz en 2013, financera en partie la transaction. Puisque la nouvelle entreprise assumera une dette qui dépasse 11 milliards de dollars US, elle devra payer plus de 550 millions de dollars en intérêts seulement. C’est beaucoup d’argent si l’entreprise désire financer une expansion dans les prochaines années. Et pour les actionnaires, il faut oublier une augmentation des dividendes dans un avenir rapproché.
Source Sylvain Charlebois | Professor/Professeur Titulaire, College of Business and Economics/ Collège en Management et Études Économiques, University of Guelph/Université de Guelph.