Réduire l’empreinte carbone en agroalimentaire grâce à la génomique

Un projet novateur en économie circulaire piloté par deux chercheuses québécoises reçoit 6,5 M$ du gouvernement du Canada et de nombreux partenaires

Un projet de l’Université de Montréal (UdeM), de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) et de l’Université Western reçoit un financement d’un montant total de 6 545 700 $ pour réaliser des travaux menant à la réduction des sous-produits agroalimentaires et de leurs émissions de gaz à effet de serre.

En une seule année, l’agriculture, les résidus alimentaires et la gestion de ces résidus produisent à eux trois davantage de CO2 que le transport de passagers au Canada. Face à ce constat, il devient nécessaire de développer de nouvelles approches pour réduire l’empreinte carbone du milieu agroalimentaire au pays.

C’est donc dans un contexte de crise climatique que l’équipe, codirigée par les professeures Joan Laur (IRBV) et Louise Hénault-Ethier (INRS), s’est donné pour objectif de mieux comprendre et d’optimiser le processus de transformation des résidus organiques par les microorganismes. En d’autres mots : comment les sous-produits agroalimentaires ou les restants d’aliments sont-ils biodégradés par les microorganismes, les champignons ou les insectes qui s’en nourrissent ? 

« On a l’ambition d’optimiser des bioréacteurs à transformation naturelle, comme les champignonnières et les fermes d’insectes, déjà exploités par les agriculteurs urbains. Grâce à ce processus, on transformera les résidus en aliments ou en engrais », lance Joan Laur, cochercheuse du projet, membre de l’Institut de recherche en biologie végétale.

« Il a été démontré qu’on pouvait réellement réduire l’empreinte carbone du système agroalimentaire, en faisant de l’économie circulaire qui s’inspire du fonctionnement naturel des écosystèmes. Nous voulons maintenant optimiser ces applications en utilisant la puissance de la génomique », poursuit Louise Hénault-Éthier, également cochercheuse du projet, professeure associée de l’INRS et directrice du Centre Eau Terre Environnement de l’INRS.


Un laboratoire « vivant » au cœur de Montréal

Dans un premier temps, la recherche se concentrera sur les réalités urbaines, avec un véritable laboratoire vivant à l’échelle de Montréal. Avec sa superficie de près de 500 km2 où on retrouve une douzaine de microbrasseries, près de 150 boulangeries et bien d’autres générateurs de matières organiques dispersés sur le territoire, Montréal était un lieu de prédilection pour ce projet.

L’utilisation d’outils de génomique, donc liés à la structure génétique et à l’ADN, permettra aux scientifiques d’étudier les associations entre les microorganismes qui interagissent lors du processus de biodégradation.

« Nous pourrons tester comment les processus biologiques peuvent être exploités pour améliorer ce que les bactéries, les insectes et les champignons consomment et réduire les émissions de gaz à effet de serre avant, pendant, après la bioréaction. La biodiversité microbiologique qui se retrouve là est possiblement d’intérêt pour l’agriculture et le secteur agroalimentaire tout entier », explique Joan Laur.

L’équipe travaillera en étroite collaboration avec de nombreux partenaires de l’économie circulaire, notamment des partenaires qui opèrent des bioréacteurs inspirés de la nature comme Tricycle, Mycelium Remedium et Compost Brome. L’objectif de cette recherche collaborative est de récupérer les résidus de matières organiques à différentes étapes de la chaîne agroalimentaire – une collaboration indispensable pour s’assurer de répondre aux défis actuels du milieu.

Au total, une vingtaine de chercheuses et de chercheurs provenant de quatre universités – Université de Montréal, INRS, Université Western et Université McGill – travailleront sur ce projet multidisciplinaire d’envergure, en collaboration avec près d’une trentaine de partenaires du milieu, soit, en plus du Jardin botanique de Montréal et de l’IRBV, TriCycle, Mycelium Remedium, StillGood, Brome Compost, Blanc de Gris, La Ligne Verte, Vignoble de la bauge, Ville de Montréal, Cégep de Victoriaville, RECYC-QUÉBEC, Synergie Montréal, Fondation David Suzuki, Équiterre, Société pour la Nature et les Parcs – section Québec, Table filière des insectes comestibles du Québec, Invers, 3 Brasseurs, Boulangerie Jarry, Brasserie EtOH, Brasserie Harricana, LOOP, Collège Ahuntsic, et Parafilms.

« Ce maillage entre le milieu de l’entrepreneuriat, des organisations structurantes et la communauté de recherche est un vrai moteur d’innovation. Il nous donnera l’opportunité d’identifier des solutions concrètes et de contribuer, ensemble, à la lutte contre la crise climatique », affirme Louise Hénault-Éthier.

« Nous nous efforçons de découvrir comment notre réseau de plus de 30 entreprises peut collaborer de la meilleure façon pour optimiser les avantages économiques et écologiques de leurs efforts de recyclage. Nous sommes enthousiastes face aux connaissances pratiques et théoriques que ce projet apportera au domaine et par son potentiel d’impact positif », ajoute le cochercheur Jury Gualandris, directeur du Centre for Building Sustainable Value et professeur associé en gestion des opérations et durabilité à l’Ivey Business School de l’Université Western.


Un financement pancanadien pour soutenir la recherche en génomique

Ce financement a été obtenu grâce à l’initiative La génomique et l’action climatiqueProduction bioalimentaire durable et adaptée au climat, lancée par Génome Canada en mai 2022. Au total, ce sont neuf équipes interdisciplinaires qui ont été sélectionnées à l’échelle nationale pour mener des recherches de pointe en génomique.

L’annonce de ce financement – qui cumule près de 70 millions de dollars – a été faite aujourd’hui par l’honorable Greg Fergus, secrétaire parlementaire du premier ministre et de la présidente du Conseil du Trésor, à la Centrale agricole de Montréal, la plus grande coopérative d’agriculture urbaine du Québec.

« La génomique est le moteur de l’innovation dans de nombreux secteurs économiques stratégiques au Canada, de l’agriculture à l’énergie en passant par la pêche et la foresterie. Le gouvernement du Canada est fier de soutenir ces équipes du Défi interdisciplinaire, qui renforcent la résilience des systèmes de production alimentaire du Canada, créant ainsi des aliments plus sûrs et plus durables pour les Canadiens, les Canadiennes et les humains du monde entier », déclare M. Greg Fergus, secrétaire parlementaire du Premier ministre et de la présidente du Conseil du Trésor.

« Les technologies génomiques ont permis certaines des percées scientifiques les plus impressionnantes des deux dernières décennies, et la tendance se poursuit grâce au leadership de nos chercheurs et chercheuses. Notre gouvernement est fier de soutenir les neuf équipes annoncées aujourd’hui, car elles démontrent une fois de plus le rôle de leader mondial du Canada dans ce domaine. Leur expertise nous aidera à réduire l’empreinte carbone des systèmes de production alimentaire du Canada tout en continuant à développer l’innovation », déclare L’honorable François-Philippe Champagne, ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie.

À la suite de leurs travaux, les équipes proposeront des innovations biotechnologiques permettant de réduire l’empreinte carbone des systèmes de production bioalimentaire du Canada. En plus des répercussions sociales et environnementales majeures promises par les travaux des équipes, on estime que plus de 36 000 emplois seront créés par ces initiatives durables.


Faits saillants

  • Au Québec, 41 % des aliments sont gaspillés (Réf. : Rapport de RECYC-QUÉBEC, 2022);
  • Au Québec, 56 % des résidus organiques sont actuellement traités par compostage ou biométhanisation (Réf. : BILAN DES MATIÈRES RÉSIDUELLES DE RECYC-QUÉBEC), mais ces procédés ne permettent pas de réintégrer les aliments gaspillés directement dans la chaîne alimentaire;
  • Au Québec, 161 381 d’émissions de tonnes de CO2 pourraient être évitées (réduction de 27 %) et 202 000 tonnes additionnelles de carbone pourraient être séquestrées dans les sols agricoles fertilisés si les déchets agroalimentaires étaient transformés par le compostage décentralisé (à hauteur de 10 %), la culture de champignons (5 %) ou d’insectes (5 %);
  • Au Canada, 15 % des gaz à effet de serre (GES) proviennent de la production alimentaire, y compris le transport, la transformation et l’entreposage des aliments dans l’ensemble du système alimentaire (Réf.: Environnement et Changement climatique Canada (ECCC), 2023).


À propos de l’Institut de recherche en biologie végétale (IRBV)

L’IRBV est un organisme sans but lucratif fondé en 1990 par la Ville de Montréal (via le Jardin botanique de Montréal) et l’Université de Montréal. L’IRBV réunit des scientifiques qui leur sont rattaché afin d’établir des conditions favorables de collaboration pour la réalisation d’activités de recherche; de favoriser le partage d’équipements de pointe et de favoriser la codirection d’étudiant(es). Les activités de l’IRBV touchent principalement la biodiversité des plantes à fleurs, l’écologie et l’aménagement des écosystèmes en zones habitées et les mécanismes cellulaires et moléculaires du développement. L’IRBV, administré conjointement par la Ville de Montréal et l’Université de Montréal, regroupe aujourd’hui 29 chercheur(es), 121 étudiant(es) aux cycles supérieurs et plus de 100 professionnel(les) de recherche et stagiaires. Il est reconnu comme un centre d’excellence dans le domaine de la biologie végétale.


À propos de l’INRS

L’INRS est un établissement universitaire dédié exclusivement à la recherche et à la formation aux cycles supérieurs. Depuis sa création en 1969, il contribue activement au développement économique, social et culturel du Québec. L’INRS occupe la première place au Québec en termes d’intensité de recherche. Il est composé de quatre centres de recherche et de formation interdisciplinaires situés à Québec, à Montréal, à Laval et à Varennes, qui concentrent leurs activités dans des secteurs stratégiques : Eau Terre Environnement, Énergie Matériaux Télécommunications, Urbanisation Culture Société et Armand-Frappier Santé Biotechnologie. Sa communauté compte plus de 1 500 membres étudiants, stagiaires postdoctoraux, membres du corps professoral et membres du personnel.


À propos de l’Ivey Centre for Building Sustainable Value de l’Université Western

Le Centre for Building Sustainable Value de l’Ivey Business School de l’Université Western a pour mission de tracer la voie à des changements systémiques pour un avenir écologiquement sain et équitable. Grâce à 20 ans de travail acharné au sein de la faculté du Centre et de l’école de commerce, Ivey a été classée troisième au monde pour ce qui est de la réalisation des objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies, selon une étude du Financial Times. Western a également été classée première au Canada et troisième dans le monde pour son travail en faveur des ODD par le Times Higher Education.

 

SOURCE Institut National de la recherche scientifique (INRS)

Renseignements: Jeff Heinrich, Université de Montréal, Jeff.heinrich@umontreal.ca, (438) 345-9030 ; Isabel Matte, IRBV, Jardin botanique de Montréal, Espace pour la vie, isabel.matte@montreal.ca, (514) 250-7753 ; Julie Robert, Institut national de la recherche scientifique, Julie.robert@inrs.ca, (514) 971-4747 ; Ivan Langrish, Ivey Business School de l’Université Western, ilangrish@ivey.ca