Partie 2 : Entretien avec Jean-Sébastien Gascon, Boeuf Québec
Chaque jour depuis que la crise de la COVID-19 a été décrétée nous tendons l’oreille pour écouter nos chefs d’État, nos directions de santé publique, nos ministres, ils nous informent de la situation, ils communiquent, mais surtout ils nous rassurent. Ils sont là, ils sont présents pour nous les Québécois, les Canadiens. Sachez que les dirigeants des associations spécialisées de la filière agroalimentaire sont également là pour vous. | Par Lise Gallant
Aujourd’hui tout le monde fonctionne à plein rendement, notre industrie a même repoussé les limites. La bonne nouvelle c’est que l’industrie a réussi à démontrer qu’elle était en mesure de traiter 500 bouvillons par semaines, soit une capacité de 25 000 bouvillons par année. Les détaillants ont exprimé le souhait de se tourner vers l’industrie bovine québécoise, les Québécois consomment tout de même 600 000 bouvillons annuellement. En terme économique, il y a 500M$ qui, par le biais de notre industrie, pourrait être réinjectés dans l’économie québécoise chaque année. Le Québec possède de très vastes territoires inexploités qui pourraient être mis à profit de notre industrie bovine, ce n’est certes pas les espaces et les possibilités qui manquent pour ramener cette industrie chez nous.
Pendant cette pandémie il y a tout de même certains risques, surtout au niveau de la production et de la transformation. Les fermes d’élevage travaillent 24/7 365 jours par année. Même si les règles de biosécurité sont très élevées, un éleveur pourrait se voir mis en quarantaine et dans le pire des scénarios perdre sa ferme d’élevage. La santé de la ferme d’élevage dépend infiniment étroitement de la santé des éleveurs et de la main-d’œuvre à la ferme. Du côté de la transformation, il en va de même, nous avons par ailleurs été exposés à quelques tristes scénarios dans des usines de transformation de porc et de volaille, notre industrie n’est pas à l’abri d’un tel désastre.
Malgré le fait que la consommation du bœuf soit bien ancrée dans les habitudes alimentaires des Québécois, reste néanmoins que le bœuf est encore aujourd’hui considéré comme un produit de luxe par la plupart. Dans les faits au niveau du prix le bœuf se situe entre celui du produit de luxe et du produit de commodité. Aujourd’hui, et encore plus depuis le début de cette pandémie, la consommation de produits locaux est encouragée. Le Bœuf Québec est maintenant distribué et identifié chez IGA. Si l’intérêt pour l’achat local se maintient, cela aura un gros impact sur toute la chaîne d’approvisionnement alimentaire et sur notre marché également. Nous sommes actuellement forcés par la crise à faire nos preuves quant à notre capacité de produire et de transformer, et la bonne nouvelle c’est qu’on arrive même à se surpasser. Les entreprises de transformation prennent elles aussi conscience des bénéfices d’un approvisionnement local.
MAIN-D’OEUVRE
Les mesures de salubrité ont été amplifiées depuis le début de la crise. Les plus grosses entreprises spécialisées en élevage, en abattage, en découpe et en transformation s’adaptent relativement bien à ces mesures et aux nouvelles normes de travail en respectant la distanciation. Comme pour d’autres chaînes de production ou de transformation l’effet ressenti est principalement un ralentissement. Cependant, là où sont davantage ressentis les effets c’est dans les circuits courts – élevage, abattage, découpe, distribution.
Dans le monde de la ferme, la bonne nouvelle c’est que l’entraide est régulièrement au rendez- vous, en temps de crise cette entraide est multipliée par dix. Tous s’entraident à élever la barre ensemble confiant des retombées positives qu’aurait la renaissance du bœuf au Québec. Plusieurs initiatives d’entraide ciblent directement les plus petits et ceux qui en ont le plus besoin. L’industrie prend ensemble conscience de l’importance de rehausser les meilleures pratiques pour l’industrie.
Les travailleurs de notre industrie sont également conscients de sa fragilité. Il y a des enjeux propres à notre industrie qui la rendent aussi plus angoissée. Pensons au fait que le marché du bouvillon soit coté en bourse, la bourse est nerveuse en temps de crise et c’est d’autant plus insécurisant. Pratiquement tout le secteur des HRI est arrêté, par conséquent tous ceux qui le desservaient ont perdu leur emploi. Le métier de boucher, un métier qui valorisait l’ensemble du boeuf, est pratiquement éteint. Maintenant nous assistons à une nouvelle revalorisation du bouvillon, en boîte !
ESPOIR
Disons que dans l’ensemble l’industrie bovine a souffert et elle a du chemin à parcourir pour se remettre sur ses quatre pattes. L’espoir de jours meilleurs existe, mais il est mitigé. D’un côté, cette crise permet à l’industrie de faire ses preuves, de démontrer aux Québécois qu’il est possible de manger du Bœuf Québec.
De l’autre côté, c’est une industrie qui pourrait être réduite rapidement si certains de ses membres étaient touchés durement par la COVID-19.
Sur une note positive, M. Gascon est fier de nous rappeler que l’industrie est habituée de se serrer les coudes et que ses valeurs fondamentales telles la solidarité, l’empathie et l’entraide sauront l’aider à prendre sa place localement. L’objectif de l’industrie du bouvillon c’est bien de regagner sa place dans l’assiette et dans le cœur des Québécois !