« Il y a déjà plusieurs leçons à tirer de la présente crise sanitaire mais une des plus dures est certainement le constat que notre sécurité alimentaire est beaucoup plus fragile que nous l’avons toujours crû ». Selon les co-présidents de l’Institut Jean-Garon, M. Michel Saint-Pierre et Guy Debailleul, ce réveil brutal peut toutefois être l’occasion d’un retour à certains fondamentaux mis de côté par la mondialisation, à commencer par l’autosuffisance alimentaire.
MM. Saint-Pierre et Debailleul ont tenu à préciser qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter à court terme pour la chaîne d’approvisionnement alimentaire des québécois et québécoises en raison des efforts faits par les différents gouvernements pour assurer la circulation des denrées. Toutefois, un resserrement des flux à moyen et long terme ne peut être exclu à mesure que les personnes qui assurent le fonctionnement de ces flux, camionneurs, travailleurs agricoles ou opérateurs des centres de distribution, seront affectés par la maladie ou empêchés de circuler.
À titre d’exemple, il est prévisible que le confinement obligatoire des 40 millions de résidents de la Californie aura un impact sur la production de fruits et légumes de ce jardin de l’Amérique du nord et que ce ne seront pas les exportations vers le Québec qui auront la priorité.
Au-delà de la présente crise, qui se résorbera inévitablement, il y a lieu de tirer des leçons à plus long terme, estiment MM. Saint-Pierre et Debailleul. « La pire erreur serait le retour au bussiness as usual, car il y aura d’autres perturbations des sources d’approvisionnement extérieures, que ce soit une nouvelle pandémie, l’explosion des coûts de transport, les changements climatiques ou une crise socio-politique. La sécurité alimentaire de la population est trop importante pour prendre ce genre de risque », ont déclaré les deux co-présidents.
Un retour en grâce de l’autosuffisance
En tant qu’héritier des valeurs de l’ancien ministre de l’Agriculture, Jean Garon, qui fut le grand promoteur de l’autosuffisance alimentaire du Québec, l’Institut Jean-Garon propose un retour en grâce de ce concept. Cela signifierait de replacer l’autosuffisance alimentaire au cœur de la politique agro-alimentaire du Québec comme elle l’était sous Jean Garon.
Au fil des années et des différents gouvernements, cette place centrale a davantage été occupée par la primauté des échanges commerciaux. Le plus bel exemple en sont les coups portés, au nom de la mondialisation, à la gestion de l’offre qui, malgré ses défauts, a garanti pendant des décennies l’approvisionnement des québécois en produits laitiers, œufs et volaille.
Autre exemple : même si la production agricole québécoise a continué à croître en volume et en valeur depuis l’époque de Jean Garon, la place prépondérante occupée par les monocultures de maïs et de soya pour nourrir des porcs destinés à l’exportation n’est pas anodine. De même, l’insouciance avec laquelle nous avons traité et continuons à traiter les terres agricoles à proximité des grands centres risque d’être coûteuse lorsque les fruits et légumes de Californie et du Mexique seront hors de prix ou cesseront de nous arriver.
Enfin, un retour en grâce de l’autosuffisance mènerait inévitablement à une intensification des efforts encore trop modestes en faveur de la production en serre ou abritée et des tendances émergentes que sont l’agriculture urbaine, l’agriculture de proximité et l’agriculture durable.
« La crise actuelle doit nous permettre de prendre conscience d’une part de la fragilité de notre sécurité alimentaire et du risque qu’il y a à avoir un système d’approvisionnement déconnecté à ce point de l’agriculture nationale et, d’autre part, de tous nos potentiels présents et à venir, notamment avec les changements climatiques », ont conclu MM. Saint-Pierre et Debailleul.
Au cours des prochains jours, l’Institut Jean-Garon fera connaître différentes propositions inspirées de l’œuvre de Jean Garon et aussi de l’héritage de Jean Pronovost, le président fondateur de l’Institut, et auteur principal du Rapport Pronovost sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois.
Site de l’Institut Jean-Garon : www.institutjeangaron.ca