PROFIL – NUTRINOR

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Il n’y a pas quatre chemins, mais un seul: le redressement !
Par Lise Gallant

PASSER DE 6,6 MILLIONS DE DOLLARS DE DÉFICIT EN 2001 À UN EXCÉDENT NET DE 3 346 634 $ POUR L’EXERCICE FINANCIER 2013-2014 PROCURE, POUR LES MEMBRES DE LA COOPÉRATIVE NUTRINOR, DES RISTOURNES, UNE IMMENSE FIERTÉ ET TOUT UN SENTIMENT D’ACCOMPLISSEMENT. LORS D’UN ENTRETIEN EXCLUSIF RÉALISÉ AVEC YVES GIRARD, DIRECTEUR GÉNÉRAL DE NUTRINOR, IL RACONTE COMMENT IL EST POSSIBLE dE PASSER DE L’ENDETTEMENT À L’ENRICHISSEMENT. PASSAGE OBLIGÉ: LE REDRESSEMENT!

C’est sous le thème «La coopération, c’est dans notre culture» que les résultats ont été dévoilés le 19 février 2015 alors que se tenait l’assemblée générale annuelle à Chicoutimi. Une coopérative par définition* est une personne morale regroupant des personnes ou des sociétés qui ont des besoins économiques, sociaux ou culturels communs. La coopération au sens plus large se définit par l’action de coopérer ou de travailler ensemble vers un objectif commun. Elle est aussi synonyme, entre autres, de collaboration, de partena- riat, d’action concertée. Ce n’est donc pas un modèle exclusif aux coopératives, par conséquent il peut être imité et pourrait bien vous inspirer.

L’HISTOIRE EN DATES ET EN CHIFFRES

Entre 1940 et 1960, le mouvement coopératif au Saguenay–Lac-Saint-Jean prête main- forte aux producteurs agriculteurs. En 1967, naît la Fondation de l’association coopéra- tive laitière du Saguenay–Lac-Saint-Jean, rebaptisée Nutrinor en 1980. Suit de près, en 1972, la mise sur pied de la Coopérative avicole et porcine par la Chaîne coopérative du Saguenay. En 1989, la Chaîne coopérative du Saguenay et Nutrinor fusionnent. Entre 1989 et 1998, on assiste à une diversification des produits. Aujourd’hui, Nutrinor œuvre dans quatre domaines d’affaires : l’agriculture, l’agroalimentaire, l’énergie et les quincailleries. Elle est la propriété de 965 membres produc- teurs agricoles et elle emploie plus de 465 personnes. Ses actifs s’élèvent à près de 95 millions de dollars et elle a généré un chiffre d’affaires de 383 millions de dollars pour son exercice terminé le 31 octobre 2014.

L’APPEL AU REDRESSEMENT !

En 2001, à la vue d’un ratio d’endettement élevé, le compteur indiquant moins 6,6 millions de dollars, on constate que décidément ça ne peut continuer de cette façon; il faut réagir, mais est-il trop tard ? Apparemment que non, lorsqu’on repêche l’expert en redressement de coopératives, nul autre qu’Yves Girard. Même si depuis 2010 Yves Girard est passé en mode gestion « développement et croissance » et qu’il préfère y être associé, il a tout de même consacré une quinzaine d’années au redressement, tant chez Nutrinor qu’ailleurs auparavant, deux fois plutôt qu’une. Accepter de reprendre la barre d’une coopérative qui affichait de sérieux problèmes de santé financière, eh bien, ce n’est pas une mince affaire. Il faut se retrousser les manches, ana- lyser, constater, réfléchir, s’associer, cultiver, coopérer, passer à l’action, redresser pour finir par profiter ! C’est ce que M. Girard a su faire, en commençant par des congédiements et la décentralisation des opérations. Pas moins de 1 million de dollars d’indemnités de départ a été versé en 18 mois.

De 42 personnes au siège social en 2001, Nutrinor en compte aujourd’hui 17. Environ une quinzaine de personnes ont perdu leurs emplois, d’autres ont été relocalisées ou ont quitté. En 1989, lors de la fusion, l’exercice de rationalisation des opérations n’avait pas été réalisé, résultant en un dédoublement des effectifs et une multiplication des coûts. Les deux entités, malgré la fusion, avaient vraisemblablement poursuivi comme avant : chacun son petit bonhomme de chemin. Pendant les cinq premières années Nutrinor est en mode redressement; elle passe en mode consolidation en 2006 et finalement atteint le mode développement et croissance à la fin de 2010. Pour en arriver là, il faut de la persévérance, du talent et tout un plan!

PLANIFIER POUR MIEUX GÉRER

Depuis quelques années, le mode croissance domine et s’opère de manière interne et par acquisitions. Des paramètres précis ont été établis afin de permettre à ses dirigeants, en collaboration étroite avec son conseil d’administration, de prendre des décisions éclairées en lien direct avec le plan stratégique. Nutrinor, depuis l’arrivée de M. Girard, s’applique à définir un plan straté- gique quinquennal qui englobe l’ensemble des opérations de gestion et de production. En 2008, lors de l’exercice de planification stratégique, les quatre valeurs de base qui sous-tendent la coopérative sont définies : Innovation – création et acquisition de connaissance; Reconnaissance – reconnaît et récompense les bons coups ; Responsabilisation – chacun prend ses responsabilités, on ne cherche pas de coupable; Développement durable – assurer la pérennité et agir aujourd’hui pour assurer un meilleur avenir demain. Ces valeurs guideront et inspireront tant les dirigeants, les adminis- trateurs que les employés dans l’exécution, au quotidien, de leurs tâches respectives. Les valeurs Nutrinor, vous l’aurez remarqué, placent l’humain au cœur de l’action et des préoccupations.

SE DISTINGUER POUR MIEUX RÉGNER

Aux défis internes s’ajoutent les tumultes et réalités externes : économiques, géographiques, démographiques. La créativité et l’inventivité doivent être au rendez-vous pour une entreprise qui désire vivre et sur- vivre en région nordique et boréale. Ce sont également ces mêmes défis qui inspirent les dirigeants à planifier, à innover. L’unicité doit dominer. Le lait Nordique certifié biologique et AgroBoreal en est un parfait exemple. «Le plus grand défi c’est de sortir des produits inimitables!» affirme Yves Girard. Il est impossible de concurrencer avec les géants de l’industrie, par conséquent il faut arriver avec une offre distincte. Ceci permettra également de gagner du terrain à l’extérieur de la région et de croître. 2014 s’avère une grosse année: le plus gros chiffre d’affaires jamais atteint ; le lancement du nouveau lait Nordique; Nutrinor revisite son image de marque et se refait une beauté au goût du jour. Rien n’a été laissé au hasard et tout découle d’une planification straté- gique exécutée par des mains de maîtres. Il faut suivre et exécuter le plan, savoir s’ajuster aux modalités variables et séduire les mar- chés, tout en prenant soin des actifs les plus précieux, les ressources dites HUMAINES.

FAIRE ÉQUIPE AVEC LES JOUEURS

Il faut savoir comment on peut réduire les effectifs, passer en mode lean management, bousculer la culture et le rythme d’entre- prise, tout cela sans brimer le moral des troupes. Eh bien, j’ai demandé à Yves Girard de m’en parler. Monsieur est bien humble et n’aime surtout pas prétendre avoir réalisé le redressement seul: il est un joueur d’équipe. Il a appliqué, dès son arrivée, certaines règles de bases immuables. Garder la porte ouverte – s’ouvrir à l’écoute et au dialogue ; gérer avec transparence – dire les vraies affaires ; walk the talk, soit passer de la parole aux gestes et agir en fonction des promesses; toucher à tout – reconnaître et comprendre les défis des diverses opérations: voilà quelques-uns des trucs du modus operandi d’Yves Girard. Cette approche a permis, dès le départ, de mériter le respect et de gagner la confiance des troupes. Surtout en situation de redressement, « tu fais toujours ce que tu dis que tu vas faire, sans passer par quatre chemins», confie-t-il.

DÉCENTRALISER PEUT RASSEMBLER

Après le régime d’amaigrissement imposé à la direction générale et après avoir sélectionné des dirigeants aptes à redresser la coopérative, certains ont été décentralisés et relocalisés sur le terrain. C’est sur le plancher des vaches que ça se passe et que ça se vit ! Selon M. Girard, il est peu probable que du haut de la grande tour on puisse vrai- ment observer, constater et corriger quoi que ce soit. Il faut faire partie de l’équipe pour comprendre les opérations et vivre les émotions qui en découlent. On arrive ainsi avec de vraies solutions pour du vrai monde. C’est aussi en se rapprochant qu’on apprend à trouver ensemble de meilleures façons de faire pour augmenter la produc- tivité et le sentiment de bien-être au travail. En implantant des progiciels de stratégies et solutions intégrées et en créant des interfaces avec les divers secteurs, assurer une gestion efficace, sans dédoublement, devient faisable.

Certains dirigeants ont été recrutés de l’ex- térieur et ont été affectés à d’autres postes avant d’être décentralisés. C’est d’ailleurs le cas de Paul Pomerleau, premier directeur agroalimentaire, d’abord affecté aux affaires juridiques de l’entreprise. M. Pomerleau a su, par sa curiosité, s’intéresser aux opérations de Nutrinor pour se retrouver par la suite au secteur agroalimentaire.

SAVOIR S’ENTOURER

Yves Girard a su s’entourer. Il ne voulait pas «faire le ménage» et repartir. Il avait la ferme intention de redresser, de consolider et de développer le plein potentiel de Nutrinor. Pour ce faire, il s’est entouré de visionnaires aux mêmes ambitions que lui afin de sortir la coopérative de son marasme. M. Girard a fait appel à des services de recruteurs et de chasseurs de têtes. Pas de limites et pas de frontières, des gens venus d’autres régions et entreprises ont joint les rangs de Nutrinor. La bonne personne à la bonne place fait toute la différence; il faut avoir du flair !

YVES GIRARD, PAS UN GARS DE MÉNAGE!

C’est avec un petit sourire qu’Yves Girard me précise qu’il n’avait pas orienté sa carrière pour se définir comme champion du redressement. Il a d’ailleurs une formation en bio-agronomie et une spécialisation en gestion. En 1994, il s’intègre à un pro- gramme de gestion et stage offert par la Coop Fédérée et tout s’ensuit; c’est ainsi qu’il travaille au redressement. M. Girard a saisi cette opportunité non seulement pour relever le défi, mais aussi pour regagner sa terre natale, son Saguenay.

On a peine à croire lorsqu’on a eu le plaisir de rencontrer cet homme très charisma- tique qu’il puisse être «le gars de ménage». Peu de gestionnaires demeurent en poste après une opération de redressement. Il en fut autrement pour Yves Girard, ce dernier en ayant décidé ainsi avant d’accepter le défi. Aujourd’hui, il est fier de dire qu’il est gestionnaire du développement et de la croissance : il est un véritable leader et tout un joueur d’équipe, «lala»!

*Définition du mot coopérative: ministère de l’Économie, de l’Innovation et des Exportations. (www.economie.gouv.qc.ca/fr/objectifs/informer/ cooperatives) 

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