Sur le plan mondial, les fusions et les acquisitions ont été importantes dans le secteur de la transformation des aliments et des boissons. Ces opérations de consolidation ont été facilitées, entre autres choses, par le coût du capital relativement modeste. Mais le positionnement stratégique dans les marchés comportant un potentiel de croissance est aussi un des facteurs déterminants. Dans la présente publication, nous dresserons le bilan des dernières années de quatre chefs de file québécois de l’industrie de la transformation bioalimentaire. Comment ces sociétés se sont-elles intégrées dans le système économique international pour assurer leur croissance à long terme?
À l’échelle mondiale, de nombreuses opérations ont été réalisées au chapitre des investissements, des fusions et des acquisitions. Selon The Food Institute1, il y a eu en moyenne chaque année quelque 470 opérations de fusions et d’acquisitions au cours des années 2014 à 2018 dans le secteur bioalimentaire, s’agissant del’agriculture, de la fabrication des aliments et des boissons, du commerce et des services de restauration.
Ces transactions touchent pratiquement tous les secteurs de la transformation bioalimentaire et sont d’ampleur diverse selon la taille des entreprises visées. La filière des produits laitiers s’est distinguée en 2017 à raison de 127 opérations financières, en hausse de 57 % par rapport à 2016
FIGURE 1. INDUSTRIES BIOALIMENTAIRES – NOMBRE DE FUSIONS ET D’ACQUISITIONS DANS LE MONDE
Sources : The Food Institute; Food Logistic; Food Processing (https://www.foodprocessing.com/articles/2018/mergers-and-acquisitions/); Trade & Industry Development (https://www.tradeandindustrydev.com/industry/food-agriculture-related/us-food-manufacturing-poised-growth-13740); compilation du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ).
Les multinationales québécoises n’ont pas été en reste. Nous présentons dans les lignes qui suivent quatre entreprises de transformation agroalimentaire qui se sont illustrées ces dernières années en matière d’investissements, de fusions et d’acquisitions sur les marchés en dehors du Québec. Il s’agit de Saputo et d’Agropur dans le secteur des produits laitiers, d’Olymel dans la transformation des viandes et de Lassonde dans la transformation des fruits et des légumes.
LA SOCIÉTÉ SAPUTO : Un chiffre d’affaires de 11,5 G$
Le Groupe Saputo est une société publique qui, en 2018, exploitait 59 usines réparties sur 4 continents et comptait 15 000 personnes à son service. Plus de la moitié de son chiffre d’affaires qui atteint 11,5 G$ repose sur le marché des États-Unis, alors que le Canada en assure 35 %.
Cette société figure de ce fait parmi les dix plus importantes sociétés de transformation de produits laitiers dans le monde. C’est en outre le plus important fabricant de fromage au Canada et le second plus important transformateur laitier de l’Argentine.
Au cours des années de 2014 à 2018, le Groupe Saputo a réalisé des investissements annuels moyens de 460 M$, ce qui inclut les acquisitions.
Certaines acquisitions récentes de Saputo ont porté sur des sociétés australiennes. Après s’être départie des actifs dans l’entreprise Bega Cheese pour répondre aux exigences du bureau de la concurrence, la société a acquis la coopérative Murray Goulburn au prix de 1,3 G$, ce qui lui permet d’exercer un certain leadership sur 50 % du marché australien de la transformation laitière. Elle vient tout juste, par ailleurs, de se porter acquéreur de la firme britannique Dairy Crest pour la somme de 1,7 G$, transaction sujette à l’approbation des actionnaires.
Sur le marché nord-américain, Saputo a procédé à des achats d’entreprises pour une valeur de près de 500 M$ depuis 2017. L’entreprise de Montréal a ajouté à son portefeuille l’usine ontarienne Shepherd Gourmet Dairy et deux usines américaines, à savoir celle de Betin Inc. au Wisconsin et celle de Southeast Milk en Floride2.
FIGURE 2. PART DES REVENUS DE SAPUTO PAR GRANDES RÉGIONS EN 2018
LA COOPÉRATIVE AGROPUR : Parmi les dix plus importantes coopératives laitières au monde
Forte d’un chiffre d’affaires qui dépasse aujourd’hui les 6,7 G$, la coopérative Agropur se classe parmi les 20 principaux transformateurs laitiers au monde. À titre de coopérative, cela en fait l’une des 10 plus importantes dans le secteur laitier à l’échelle mondiale.
Agropur emploie plus de 8 800 personnes au Canada et aux États-Unis dans l’un ou l’autre des 39 établissements de transformation et de distribution qu’elle exploite. Au cours des 5 dernières années, la coopérative québécoise a engagé 1,6 G$ dans des acquisitions, alors que 1,3 G$ a été alloué aux immobilisations.
La coopérative Agropur a été très active quant à son développement en Amérique du Nord. On estime qu’elle y a fait des investissements et des acquisitions pour plus de 990 M$ au cours des 5 dernières années. Si l’on tient compte des filiales de la coopérative à l’extérieur du Québec, plus de 45 % de son chiffre d’affaires provient maintenant des États-Unis.
Du côté de l’est du Canada, Agropur a fait l’acquisition de la coopérative Scotsburn qui est à l’oeuvre dans le créneau de la crème glacée. De plus, elle vient d’achever des investissements à son usine de produits laitiers congelés de Lachute et elle est devenue l’unique propriétaire de l’usine de yogourts d’Aliments Ultima.
Concernant les investissements, notons ceux qui ont été effectués aux États-Unis et qui visent à tripler la capacité de transformation laitière des installations situées à Lake Norden, dans le Dakota du Sud.
LA DIVISION OLYMEL DE LA COOP FÉDÉRÉE : Premier exportateur de porc au pays
La société en commandite Olymel est une division de La Coop fédérée qui est la plus importante entreprise agroalimentaire du Québec et l’unique coopérative pancanadienne. La Coop fédérée emploie 13 000 personnes dans 5 provinces et son chiffre d’affaires s’élève à 6,3 G$. Depuis 2014, les investissements et les acquisitions atteignent en moyenne 210 M$ par année.
La moitié des revenus provient de la transformation de viande de la division Olymel. Avec 33 % des exportations canadiennes de viande de porc, Olymel occupe la première place au pays dans ce secteur d’activité. En outre, des investissements de 160 M$ ont pris forme au Québec et en Alberta depuis 2016. Pensons à l’usine de Yamachiche, spécialisée dans le porc Nagano destiné au marché du Japon, et à l’usine de porc frais réfrigéré de Saint-Esprit. La société Olymel a réalisé en outre un investissement à son usine de Red Deer, en Alberta.
Dans le secteur de la volaille, soulignons les investissements de 30 M$, depuis 3 ans, dans les usines de Saint-Jean-sur-Richelieu, de Berthierville et de Saint-Damase. À ces actions au Québec s’est ajouté un engagement de 30 M$ à l’usine de surtransformation de Brampton, en Ontario.
LES INDUSTRIES LASSONDE : Elles transforment le cinquième des fruits et légumes au Québec
Les Industries Lassonde se retrouvent, sur le plan des revenus, parmi les 30 principales entreprises manufacturières québécoises. Elles assurent 21 % des livraisons de fruits et de légumes transformés au Québec.
De 2012 à 2018, la société Lassonde a vu son chiffre d’affaires croître de 7,7 % en moyenne par année, surtout en raison de ses acquisitions aux États-Unis. Aussi, en 2017, ce sont 59 % des revenus de la société qui étaient générés par les établissements américains. Les activités d’acquisition et d’investissement atteignaient une moyenne annuelle de 77 M$ de 2012 à 2018.
FIGURE 3. RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE DES VENTES DES INDUSTRIES LASSONDE
La société Lassonde possède quatre entreprises dans les autres provinces canadiennes et neuf entreprises aux États-Unis. Depuis 2014, elle a fait l’acquisition de deux fleurons américains. D’abord, elle est devenue propriétaire de la new-yorkaise Apple Eve, en vertu d’un achat de 150 M$ US. Puis, en 2018, la société a complété son offre commerciale en achetant Old Orchard Brands, du Michigan, au coût de 146 M$ US. Ces deux entreprises font la transformation de pommes, secteur phare des Industries Lassonde. Signalons, au nombre des marques les plus connues, Oasis, Rougemont, Allen’s et Del Monte.
Dans un proche avenir…
… Nous prévoyons réaliser et publier des analyses portant sur des entreprises ou des secteurs de la transformation des aliments et des boissons qui mettront en évidence certains aspects d’intérêt général, par exemple les activités sur les marchés extérieurs.
Vous pouvez d’ailleurs nous faire part de vos suggestions en communiquant avec les responsables du dossier, soit M. Stéphane Lacharité (stephane.lacharite@mapaq.gouv.qc.ca) ou M. Yvon St-Amour (yvon.st-amour@mapaq.gouv.qc.ca).
1. Source : The Food Institute, Food Business Mergers & Acquisitions. 2016 Edition; Food Logistics, Food Industry Mergers and Acquisitions Drop in 2018, 4 avril 2019 (https://www.foodlogistics.com/warehousing/news/21062949/food-industry-mergers-and-acquisitions-drop-in-2018).
2. Pour plus d’information, on peut se référer aux BioClips trimestriels portant sur ce sujet et publiés depuis trois ans dans le site Web du MAPAQ, par exemple le BioClips qui a paru le 23 avril 2019 : « Investissements et fusions-acquisitions dans le secteur bioalimentaire au quatrième trimestre de 2019 – Numéro spécial après trois années de collecte d’information » (https://www.mapaq.gouv.qc.ca/SiteCollectionDocuments/Bioclips/BioClips2019/Volume_27_no14.pdf).
Source : https://www.mapaq.gouv.qc.ca/fr/md/Bulletins/bulletinbioclips/Pages/BioClips.aspx
Visualiser le PDF : https://www.mapaq.gouv.qc.ca/SiteCollectionDocuments/Bioclips/BioClips2019/Volume_27_no15.pdf